HISTOIRE COURTE
 

 

Mais l'homme ne releva pas la remarque amusée. Il poursuivit :

_ Vous comptiez dormir ici ? J'ai une bonne tente, si vous ne craigniez pas la compagnie... Mais vous n'avez aucune affaire ? Que faites vous en pleine montagne sans équipement ?
_ Je cherche, moi aussi. Mais ne me demandez pas quoi, je ne saurais vous répondre.

L'homme afficha une moue dubitative, puis changea de sujet.

_ Je m'appelle Henry. Et vous êtes ?
_ Comme si tu ne le savais pas, gros bêta !

La réponse avait surgit de derrière eux. Ils se retournèrent vivement, prenant chacun une pose de combat.

_ Vous avez entendu comme moi, chuchota Henry.
_ Oui, et je l'avais déjà entendu avant que vous n'arriviez, mais j'ai cru que ce n'était que mon imagination.

Il passèrent une bonne heure à chercher autour du feu, en vain. La voix avait dû s'enfuir, et la nuit rendait le moindre pas terriblement dangereux pour les deux hommes. Le faible halo de la lune ne prévenait pas

 

des crevasses. Quant au feu, il achevait de consumer ses dernières bûches. Ils devraient camper là malgré tout.
Henry monta sa tente aussi vite qu'il mangea. Trout n'avait pas faim, mais accepta quand même les haricots que lui tendait son compagnon, dont il ne sut déterminer l'âge. L'éclairage dansant des flammes le révélait un coup vieux, un coup plus jeune...
Tandis que Trout était déjà prêt à dormir, Henry prit le temps de ranger son gros sac. Il en sortit notamment un livre, plutôt neuf d'apparence. Depuis quelque temps, Trout avait apprit à remarquer tous les livres qui passaient dans son champ de vision. Mais cette fois, il ne voulu pas laisser sa curiosité l'emporter. Elle lui avait fait vivre assez de moment étranges comme ça. Il se promit que ce n'était pas de la peur. Simplement, il agissait en être sain d'esprit et rationnel. Et une telle personne ne traque pas les livres qui peuvent lui passer sous le nez...
Mais sa réflexion s'évapora en un clin d'oeil lorsqu'il vit plus ou moins volontairement, le titre.

_Maman ! s'écria-t-il.
_ Je vous demande pardon ?
_ Votre livre, là... C'est mon livre. Mon dernier !

Puis se tournant au ciel :
_ Ça n'en finira donc jamais ?
_ Comment : « votre livre » ?

La troisième et insaisissable voix, de derrière la

 

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