HISTOIRE COURTE
 

 

_ Tu es arrivé, Terry !

Il bondit, agitant ses bras dans l'air comme s'il repoussait quelqu'un qui l'agrippait. Mais le contact n'était pas tactile, et la voix se tut pour étudier la réaction de l'homme. Il se rendit compte que personne n'était là, ou alors caché un peu plus loin. Il prit son courage à deux mains et lança :

_ Montrez-vous, je ne suis pas méchant. Et comment connaissez vous mon nom ?
_ Ce nom, je le connaissais avant même que tu vois le jour, Terry.
_ Mais où êtes-vous ?

Une troisième présence se fit alors entendre, accompagnée du bruit de neige qu'on foule :

_ Je suis ici, cher monsieur. Je ne voulais pas vous faire peur.

Mais cette voix-là ne venait pas du même côté. Trout répondit quand même, fort, pour montrer une assurance qui le fuyait assurément.

_ Je ne m'adressait pas à cette personne...

La troisième voix ne répondit seulement qu'elle était perdue. Une silhouette se dessinait maintenant sous

 

la lune. C'était un homme qui venait près de Trout. Quant à la voix de la souche, elle se tint muette. Le romancier prit le parti de ne pas bouger. Lui qui se sentait presque seul dans cet endroit, la tête dans la voûte sombre infinie. L'inconnu vint se coller à Trout et expliqua enfin qu'il recherchait deux personnes. Mais avant d'entamer vraiment cette conversation qui s'annonçait bien étrange, Les deux hommes rassemblèrent du bois, l'arrosèrent d'un peu d'essence à briquet et parvinrent, après un long moment, à faire partir le feu. L'écrivain en profita pour vérifier les alentours. Personne, et aucune trace de pas dans la neige. Un peu rassuré, il se revigora à la chaleur du feu et réamorça :

_ Alors, vous recherchez qui, au juste ?

Pas de réponse autre que quelques claquements de dents.

_Je n'ai vu personne sur mon chemin. Vous habitez loin ? Ils sont peut-être rentrés, à cet heure-ci.

L'inconnu parla enfin :

_ De toute façon, il fait nuit. Je ne trouverai personne, maintenant.
_ Vous m'avez bien trouvé, moi, fit Trout d'un ton léger.

 

p41-42