HISTOIRE COURTE
 

 

_Faites ce que vous voulez, renvoya Trout, d'un ton le plus détaché possible.
_Merci bien, nous y voilà.

Alors qu'il s'apprêtait à répondre, une sensation indéfinissable caressa ses pensées. A lui qui avait toujours été anonyme, on demandait son nom...

_Euh.. .Trout. Terry Trout.

S'en suivit alors un longue conversation, au cours de laquelle Terry Trout ne cessa jamais de savourer le bonheur de partager un tel instant. Parler avec un inconnu de sa propre œuvre. Etre important aux yeux de quelqu'un. Son interlocuteur le surprit d'ailleurs à plusieurs reprises, tant il connaissait son livre avec précision. Il produisit même quelques commentaires laissant transparaître une profonde analyse de l'histoire. Le temps passa alors plus vite, pour les deux hommes.


PARTIE III : Le livre de l'hôtel.


Le panneau de la commune était déjà franchi depuis plusieurs minutes, les voyageurs discutaient encore de leurs lectures, Trout essayait de trouver des indices sur la provenance du livre de la Boîte à gants. En vain. Quand il prit finalement conscience qu'il n'en

 

saurait pas plus sur ce mystère, l'auteur se détourna

_Vous êtes bientôt arrivé, dit-il. Je vais vous amener directement à l'hôtel, mais verriez-vous un inconvénient à ce que je fasse une petite halte avant ?

Il stoppa le quatre-quatre devant un petit chalet en bois dont l'enseigne était rendue illisible par la neige. Il descendit et passa derrière la voiture. Trout, lui, ne bougeait pas, ruminant sa déception. Il entendit la porte grinçante de la bâtisse, d'où on sortait. La voix éloignée de son chauffeur se fit alors véhémente :

_Ah! Shérif, c'est vous que je venais voir. Vous voyez ça ? Ça vient de mon champ, et c'est pas la première fois que je vous en ramène un ! Je vous préviens que si j'en choppe en train de faire leurs saloperies sur mes terres, je ne vous ramènerai pas que des robes vides, mais des pleines, avec des plombs dedans !

Sur ces derniers mots, Trout se retourna vivement. Son compagnon agitait, au bout de son bras, la tunique blanche. Pour finir de se convaincre de sa méprise, il regarda à nouveau à l'arrière du pick-up, là où avait voyagé l'habit. Plus rien que les outils et le désordre. Encore un peu secoué par sa virulente apostrophe au shérif, le bonhomme se rassit dans son véhicule. Trout le dévisagea. Comment s'excuser ? Il faudrait, de toute façon, expliquer pourquoi ces excuses, et l'hôtel ne

 

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