HISTOIRE COURTE
 

 

Ce sont tous de bons livres. Mais personne ne le saura jamais. Il quitte la cuisine pour quitter la maison pour quitter l'état pour quitter cette vie injuste. Sa peine sera son seul bagage. Il songe qu'il aurait aimé croire en dieu. Croire en quelqu'un à qui il aurait pu demander pourquoi cette injustice. Pourquoi rien après tant d'efforts. Un responsable... Il a raté son dernier essai. Ils ont raté son dernier effort ici bas. Alors il quitte. Il part faire fortune ailleurs. Sa vie derrière lui, le couchant à sa gauche, et les étoiles devant lui.


PARTIE II : Le livre de la boîte à gants.


Depuis deux jours qu'il marche dans la neige, le froid ne le gène plus guère. Ses pieds ne sentent même plus le sol, ses poumons ne sentent plus l'air glacé les envahir. Il n'a plus vu la moindre trace de vie depuis des heures. Pas de maison, pas de voiture. Mais un bruit lointain et sourd se mêle maintenant au lancinant murmure du blizzard. Le vieil écrivain se range un peu sur le côté, prenant garde à ne pas marcher sur la neige qui masque le fossé. Le bruit de diesel se rapproche, et un gros pick-up passe enfin, puis ralentit, et s'arrête quelques mètres plus loin.
L'œil du piéton s'allume. Un bon siège, bien au chaud dans une voiture, il n'allait pas
y renoncer. Il s'active pour atteindre la voiture, et

 

monte dedans, accusant un instant de frisson en prenant une goulée d'air tiède. Ses poumons lui firent l'effet de prendre feu au début mais s'habituèrent rapidement.

_Aaah ! Monsieur, je vous remercie. Je commençais à me changer en glaçon ! _Je m'en doute, oui. Quelle raison pouviez-vous avoir pour vous promener ainsi par froid pareil ? Seriez-vous tombé en panne ? Mais je n'ai pas vu votre véhicule...
_Non, non. Rien de tout cela. Je me rends simplement au nord, et je ne pensais pas rencontrer un tel temps. Heureusement pour moi, c'est vous que j'ai rencontré !
_Et où allez-vous, exactement ?
_ Je n'en sais rien. Je vais au nord.
_Voilà qui est étrange...Ecoutez, moi, je vais à Gatecrick. Je vais vous y amener, et d'ici là, vous pourrez vous préparer un peu mieux pour poursuivre votre voyage. C'est une modeste ville, mais il y a un hôtel où vous trouverez de quoi vous restaurer et vous reposer.
_C'est parfait. Merci encore !

La voiture reprend la route, les vitres embuées, prises entre le gel du dehors et le chauffage intérieur. Le chauffeur relance la conversation, de son accent fort et sympathique :

_Qu'est ce que vous allez faire, dans le nord ?
_Oh ! Je vais me reposer. Je vais essayer d'oublier ce qui peut l'être.

 

 

p17-18