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La
petite mortelle ferme les yeux en souriant et reste ainsi quelques secondes,
puis se retourne et marche, longeant les flots, le regard rivé
sur chacun des prochains pas qu'elle aura à faire pour continuer
d'avancer.
Au matin, elle émerge doucement de sa nuit si particulière,
en s'étonnant de n'avoir pas en l'esprit, pour une fois, le goût
des mauvais rêves. Et à nouveau, elle sourit.
FIN
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LE
JEUNE MORTEL:
Un jour, il n'y aura plus de filles. Plus de mecs. Il n'y aura plus que
des cons. C'est ce que se dit le petit mortel en fixant le corps qui fut
le sien pendant dix-sept courtes années. Un peu plus que ces deux
cent quatre mois pour terminer son histoire dans un hangar qui a perdu
son toit, dans un trou, dans la boue, avec un uniforme vert passé,
représentant quelque chose qui échappe de loin à
ceux qui le portent. Pourquoi donc le vert et pas le bleu ? Pourquoi avoir
obéit aux lieutenant vert qui voulaient raser les salauds en bleu
?
Il y eut le manque de sa mère, puis le manque des femmes en général,
puis ce fut l'envoi dans les tranchées, et là, plus d'idées
à soi. Le bruit, les odeurs, la faim, mais plus le temps de penser
à ce qu'aurait été la vie au même instant,
sans arme dans la main. Sans ce caporal qui vous crie dessus des mots,
tous incompréhensibles, exceptés les jurons. Mais en gros,
il faut y aller. Aller embrasser l'ennemi avec la baïonnette. Aller
embrasser les balles. Les obus qui explosent ou qui pénètrent
le sol poisseux comme de létaux suppositoires.
Des orages dans le ciel et la peur pour seule habitante de l'estomac.
De l'estomac et du corps entier.
En courrant en direction de la promise victoire, les yeux humides de pluie,
de larmes et de terreur, son âme rappela à son esprit ce
qui liait les hommes aux animaux : l'instinct de survie. Et ses jambes
partirent de leur mieux vers ce que la plaine avait de plus calme, de
plus chaleureux. Loin dans le noir, éclairé sporadiquement
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