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pouvoir
si grand qu'elle savait tout sur sa vie ? Il fallait une réponse,
et la fille acquiesça d'un hochement de tête, faute de trouver
le souffle pour activer ses cordes vocales. La fée sourit tendrement.
_Non, je ne sais pas tout, fillette. Mais je sais percer la sincérité
ou le mensonge. Ma dernière question te renvoie à de bien
mauvais souvenirs. Là s'est produit le changement à partir
d'où tu n'as plus partagé le bon ou le mauvais avec les
autres. Même avec une fée. A partir d'où tu t'es construit
cette carapace qui cache de l'extérieur qui tu es vraiment. Nous
savons toutes deux de quel moment je parle... Quand tu perdis si vite
ta foi, ta confiance, et toutes les bases sur lesquelles était
construite ta vie...Ce souvenir, comme si tu marchais à nouveau
sur la plage, il te faut cesser de te demander s'il est toujours derrière
toi, pareil aux traces de pas dans le sable. C'est dans ta mémoire
qu'il sera toujours, et c'est déjà suffisant. Tes yeux,
eux, doivent regarder devant toi. Sinon, tu pourrais bien ne plus voir
que le dos des personnes que tu croises.
_Je ne comprends pas vraiment, vous savez, mais vous semez le trouble
dans mon esprit. Vos intentions sont-elles donc si viles que vous vouliez
me torturer en me ramenant à ce moment maudit ? Je ne veux plus
retourner là bas, et si je regarde en arrière, c'est pour
voir s'éloigner ces images. Ma mémoire, elle, ne me montre
pas si je m'éloigne ou non.
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_Ta
mémoire ne te montrera jamais ce genre de choses. Mais si je te
fais revenir là bas, c'est pour que tu en repartes à nouveau,
mais cette fois, en lui tournant le dos, sans te retourner. Et tu marcheras
droit vers ta vie.
La petite mortelle retint, un grognement d'énervement contre la
fée, pensant que même ici, on lui faisait la morale. Elle
voulu fermer les yeux pour bannir cette nuit de son esprit quand la larme
cessa d'éclairer ses rétines, et vint se reposer sur sa
joue.
Un long moment, la petite mortelle hésita entre essuyer la douloureuse
larme d'un revers de manche, ou la laisser sécher. Seule avec ses
pensées, elle s'endormit sans s'en rendre compte et fit un rêve
étrange.
Sur une plage de sable fin et humide, elle se tient debout, l'océan
d'un côté et le monde de l'autre. En face, la plage est lisse
et vierge de toute trace. Bien sûr vient l'envie de se retourner
pour voir d'où elle vient. Et malgré les paroles de la fée,
elle pivote doucement, craignant de découvrir quelques mauvaises
surprises. Mais à la seconde même où son regard se
pose sur le côté du rivage auquel elle fait face à
présent, une vague glisse sur le sable et efface tout relief. La
jeune fille observe le phénomène, et se demande si la vague
a bien effacé quelque chose. Dans l'infime instant où elle
a vu le sol, avant que la vague ne le balaye, elle n'a pas aperçu
d'emprunté de pas. Mais comment a-t-elle pu se retrouver ici sans
fouler le sable ? Sans laisser de trace ? En volant ? Mais seules les
fées peuvent voler. Ou peut-être une fée l'a-t-elle
amenée jusqu'ici ? Oui. Peut-être bien.
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