AMÛÛR
 

 

UN INSTANT
D'une puissance infiniment douce et invisible,
La paume résignée, rêve inaccessible,
Fermée par le devoir, paupière de l'envie,
La main, lentement, sous le poids des yeux, faiblit.
Appels étouffés surgissant d'une aura d'or,
Echos raisonnables couvrant les appels du corps
Qui détendent peu à peu les barreaux des phalanges
Et laissent s'évader de prison le rêve de l'ange.
Elle s'ouvre, fine et fragile, comme une rosé de chair.
La main tend ses cinq pétales et répand dans l'air
Son invitation vers l'oubli de tout autour,
Abstraction parfaite pour un court instant d'amour.

 

 

LE FRAISIER
Une main destructrice a fendu un cœur,
Cette main créatrice a ouvert une fleur.
A l'écriture maladroite et hésitante
Elle s'adresse à l'émotion haletante
D'une fille qui lit la triste nouvelle
De leur rupture ferme et cruelle.
Mais bien vite, elle se ressaisit,
Sèche ses larmes et relit,
Puis chiffonne la feuille et la jette dans les flammes
Se disant qu'elle est encore jeune, ce n'est pas un drame.
Le lendemain, elle vide les cendres.
Et au fond de son jardin, au mois de septembre,
Sur le petit tas gris de la souffrance
Est née la fleur de délivrance.
Ainsi, la main qui dans l'été a fait pleurer
A libéré l'essence d'une histoire enterrée.
Au prochain été,
La pauvre esseulée aura, au moins, un beau fraisier.

 

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